L’histoire du jour est de procrastination. Ce mot, appris il y a quelques années, a pris une (trop) grande part explicative de mes projets au long cours, arlésiennes enfin vaincues ou projets poussiéreux exhumés, qui font que je n’avais à ce jour toujours pas de vrais bons pantalons/paires de jeans à me mettre ET qui m’aillent (ça vaut aussi pour un certain manteau bleu marine mais chuuuut).
Ce n’est que tout récemment, que j’ai, je crois, enfin, compris pourquoi.
Je la pressentais, cette raison maudite, vieux relent de peur (mais peur, moi? en couture? m’enfin! A part la surjeteuse je veux dire 😜). Là où je me gourais (et n’arrivais pas à la bouter hors de ma vie), c’est que je pensais que c’était la peur de ne pas y arriver. Or, je couds depuis si longtemps, sans m’être, certes, vraiment formée professionnellement, que j’ai largement déjà fait (en vrac) des manteaux, des pantalons, des braguettes, de la lingerie, des trucs chelous et complexes. Alors oui, il y a des détails techniques que je n’ai jamais testé (au hasard, les poches passepoilées), mais JE SAIS que je peux le faire.
Non, ma peur, plus subtile et sournoise, c’est la peur DE MAL FAIRE.
Et peut-être aussi s’ajoutent à ça une envie de gratification immédiate et une flemme du projet qui demande du temps.
Pour aller au bout de mon lâcher prise sur le perfectionnisme empêcheur de coudre en rond, j’ai documenté ma couture au long cours sur Instagram depuis l’automne dernier, le partage et le soutien rencontrés ont grandement participé à ma motivation et tadam : UNE PAIRE DE JEANS !







Je suis l’aventure 1083 depuis leur première campagne de crowfunding en 2012/2013. Autant dire que leur aventure du jeans 100% français me parle à fond. Ils proposent leurs patrons depuis fort longtemps en ressource libre, mais je ne me sentais pas d’extrapoler la gamme de montage (euh… bien m’en a pris).
Tout vient à point à qui sait attendre : 1083 a eu la richissime idée de s’associer avec Sophie Valentoine (aka Sophie la styliste) pour produire un petit bijou de pédagogie jeanesque, le livre « L’atelier du jeans ». 11 modèles homme, femme et enfant. Slim, mom, regular (celui que j’ai choisi), wide ample et même short pour les modèles féminins. Une introduction historique et les détails spécifiques de cette pièce de couture (vous apprendrez tout plein de nouveaux mots, magique!), une gamme de montage commune, et surtout, de nombreuses photos et explications avec des pièces d’étude pour les parties techniques un peu « touchy » dont j’ai parfois carrément découvert l’existence (la couture rabattue en cornet kezako?)… Tout est complété avec les vidéos publiées sur le site de 1083, accessibles même si vous n’avez pas le livre (donc ça marche pour un autre jeans que vous auriez, à condition de vérifier les marges de couture).

L’avantage certain de mon côté, c’est que j’ai déjà eu l’occasion d’essayer et d’acheter des jeans 1083, et je sais que leurs coupes me vont plutôt bien (mon dernier a juste un peu rétréci au lavage. Rien à voir avec ma prise de poids). ça et la réputation de Sophie m’ont amené à acheter le livre dès sa sortie alors que j’hésitais entre plusieurs modèles de jeans de marques de patron indé. J’ai juste pris mon temps ensuite, pour les raisons que l’on sait!

Après avoir choisi le modèle (201, coupe droite), et lu et relu la gamme de montage, j’ai commencé par une première toile, qui m’a permis de valider, sans surprise (j’ai ça sur l’ensemble des jeans du prêt-à-porter depuis toujours, y compris les 1083 donc), qu’il fallait que je réduise la cambrure dos. J’ai suivi les conseils de l’autrice pour réaliser le-dit ajustement. La seconde toile (reprise de la première) avec un ajustement de 2,5 cm m’a paru ok à l’essayage, je me suis donc lancée dans la coupe de ma précieuse toile Amandine Cha.

J’ai fait plein de tests de couture avec mon stock de fils, pour éviter d’acheter quelque chose, et j’ai choisi de marier du blanc polyester solide pour les coutures invisibles et le surpiquage en rouge coton (le stock recèle toujours plus de trésors qu’on ne croit posséder)…
Ensuite j’ai repris une réflexion déjà lancée lorsque j’avais reçu le livre : quel arcuate réaliser???
L’arcuate, c’est le dessin sur la ou les poches arrières du jeans (je fais ma maligne, mais… tout vient du livre!), la petite personnalisation qui fait tout, qui signe VOTRE jeans et pas celui de M.Mme tout le monde. Je voulais m’éloigner de la copie conforme aux jeans 1083 (j’avais déjà leur rouge, leur patron, je ne voulais pas leur trait Menton/Pospoder, quelle qu’en soit la jolie signification) avec quelque chose de souple, de pas trop « guerrier » (je trouve certains motifs très Warrior), et après avoir encore hésité avec les superbes propositions d’arcuate sur le site de Closet Core Patterns, je suis revenue à de la vague douce, inspirée d’un motif trouvé lors d’une pérégrination internetienne (dont j’ignore à ce jour la marque d’origine).

Une fois cet arcuate dessiné et réalisé, j’ai exécuté dans la foulée mes premières coutures en cornet (technique de finition spécifique, qui permet d’avoir moins d’épaisseurs de jean à coudre ensemble, sans rien laisser d’apparent), joie!
Puis, y’a eu comme un bug dans l’espace-temps : on se retrouve presque trois mois plus tard pour réaliser la suite. Enfer et damnation, tel le cheval devant l’obstacle, ne jamais couper l’élan sous peine de refuser d’y passer : j’avais arrêté juste avant le montage de la braguette!!! (tantantan musique de peur)
Forte d’un visionnage instructif de la vidéo ad hoc (je vous l’ai dit que c’était une ressource précieuse?), j’ai pris une grande inspiration et… monté ma braguette. S’ajoute à la difficulté perçue que je n’ai pas trouvé la longueur de fermeture éclair recommandée : une sombre histoire de disponibilité « grand public » VS « marque de PAP », résolu par Sophie dans la nouvelle édition du bouquin, je n’ai jamais trouvé le 13 cm recommandé, et j’ai fait avec le 15 cm de mon stock, Sophie m’a conseillé (après coup) de prendre du 12 cm.
Parenthèse « hussardienne » : j’ai monté ma FE en fixant le bas là où il devait se trouver, et j’ai cousu ma ceinture en passant lentement et délicatement entre les dents de la FE, sans l’avoir préalablement raccourcie (coupée après). Il y a des tutos conseillant une adaptation par le bas plutôt que par le haut comme j’ai fait, et je verrai à l’usage si mon option est durable et solide (je croise les doigts)… sinon, j’en serai quitte pour redécoudre 😥
En prime, ma pièce de pont s’est retrouvée 2 cm trop longue sans que j’ai trouvé la moindre explication… Bon, j’ai d’abord utilisé un fil blanc quand il aurait fallu un fil rouge, je me félicite d’y être revenue plus tard (j’aurais dû le reprendre tout de suite mais sur le moment, ça ne m’avait pas paru grave), c’est évidemment bien mieux en rouge!!!


L’obstacle franchi, j’ai enchaîné les étapes sans difficulté. Comme j’avais pu le lire en recommandation sur le fil IG de Michèle Tenot, j’ai réalisé un essayage avant de coudre les jambes extérieures, pour déterminer si la taille était ok ou pas. Un peu serrée, j’ai cousu une marge de 1cm (plutôt que 1,2cm) chaque côté depuis le haut des jambes, en revenant sur la marge (1,2 cm, donc) prévue à 20 cm du haut. Les 8 mm ainsi ajoutés donnent le petit confort qu’il fallait, j’en suis fort aise. J’ai surfilé les deux marges ensemble (après les avoir ouvertes au fer) et basculé les deux vers la jambe dos.
Et là, accélération de la dernière ligne droite :
– comme conseillé dans le livre, j’ai vérifié et ajusté la longueur de ma ceinture (-2cm environ) avant de la monter, et tout s’est bien passé,
– pour les passants, je les ai fixés à 2 cm du bord de la ceinture plutôt qu’à 3 comme conseillé. J’ai pêché par excès sur le mou laissé, mais comme je porte mon jeans avec une ceinture, ça ne se voit pas autant qu’on voit sur les photos,
– j’ai réalisé l’ourlet après un essayage, j’ai complètement oublié de vérifier combien je coupais. Cela dit, comme je ne me souvenais pas si j’avais déjà raccourci au moment de la coupe du tissu -aaaaah les affres de la couture au long cours- -et de la mémoire à trous- ça m’aurait fait une belle jambe de le savoir (comme mon jeans. Une belle jambe. Vous l’avez?)!
– pas posé les rivets alors que je les ai achetés au départ du projet : pas top pour le recyclage, et pas suffisamment nécessaires pour moi.
En petit regret, et en projet pour la prochaine fois, je ferai une propreté sur le montage de la braguette avec un biais rapporté. Ici le surfilage est quand même pas joli joli.



Pour l’avoir porté déjà bien souvent avant de vous en faire un retour ici, je constate et apprécie que la toile 100% coton (sans élasthane, donc) réagit… comme nos vieux jeans (qui se rappelle des 501 des années 80/90?). A savoir qu’il se détend sur la bête au fil des portés, et vu la forme, je ne suis pas gênée qu’il n’y ait pas de matière extensible à la base. Par contre, ça impose de modifier nos attentes inconscientes sur les vêtements, habituées que nous sommes à un fit près du corps très confortable (aaaaah l’extensibilité). La démarche me convient parfaitement, et fait écho au reste de ma réflexion écologique, et je ne fantasme plus d’avoir le « confort » de la viscose ou de l’élasthane dans une matière bio (réellement bio s’entend).

Patron : jeans modèle Régular 201, livre « Atelier du jeans » 1083 X Sophie Valentoine.
Taille : 32 (basé sur mon tour de taille de 85 cm).
Modifications : ajustement dos -2,5 cm, +0,8 cm sur les hanches, décalage des poches arrière (1,5 cm à droite du point haut droit), emplacement des passants (2 cm du bord ceinture).
Matières : toile jeans épais Amandine Cha Dessolier, acheté sur Fil-Etik (en même temps que mon chanvre), fils du stock (vieux stock), coton poches Cousu bio, bouton et fermeture éclair jesaisplusdoù (je vous aide, hein).
Rayon portabilité : le jeans droit, la base. J’en manquais et je l’ai porté déjà bien souvent depuis que je l’ai terminé. La couleur hyper classique, la bonne tenue de la toile (par ailleurs fort agréable à coudre), le rouge finalement pas trop foufou… Le bon basique du dressing, surtout en mode quasi « sur mesure », bien adapté à ma morphologie.
Une prochaine fois? top modèle, bien possible que je le refasse dans le futur puisque les ajustements sont faits sur le patron, mais pour l’instant, pas besoin d’un second jeans dans la penderie. Un autre pantalon, oui, mais pas un jeans… Et d’autres modèles du livre me tenteraient si je devais récidiver plus vite (le mom ou le wide)!
Dans le temps : à suivre.

Ce récit sonne comme un parcours d’obstacles, mais quand la réussite est au bout, comme ici, grâce à l’accompagnement de ressources précieuses, c’est très gratifiant et agréable de s’en délecter au quotidien!
Une fierté du « c’est moi qui l’ai fait »!!!
Votre dernière fierté à vous, c’est quoi? Vous vous êtes déjà lancées dans le jeans?
Quelle chouette aventure! Tout est bien qui finit bien! J’ai un projet qui traine, une jupe Holly en jean. Alors que c’est ma 4eme, j’oublie d’une fois sur l’autre les réglages des surpiqûres, les ajustements prévus pour ma cambrure, vient de repérer un décalage de poche. Bref je me laisse un peu de cette cousette au long cours et j’espère avoir un rebond de motivation car je sais que le résultat, un basique comme ton jean, sera porté et très apprécié dans mon dressing 😅
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oui, la bonne conclusion, c’est ça, le résultat est porté et nécessaire à mon dressing, je suis sûre que ta jupe finira en top porté alors qu’à faire… ça peut traîner!!! Je trouve ça difficile, même si j’essaie de noter, de me rappeler tous les choix faits quelques semaines avant, alors que ça semble si évident sur le moment, si tu continues dans la foulée. La vraie vie ne rend pas toujours possible qu’on enchaîne jusqu’à la fin, surtout quand le projet est long!
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Aloooors … Je vais faire LA blague.
Non mais le jean, ça va avec tout.
Tu l’as, tu l’as ?
Sinon, je ne suis qu’admiration.
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Je suis déçue, je l’ai pas… Tu me dis?? et sinon, grand merci je rougis!!!
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Il est très beau ton jeans, bravo ! Il n’y a pas juste le bouton qui est posé un peu décalé ? Mais peut-être que sinon tu es trop serrée ?
J’ai utilisé le même tissu pour un jeans pour Chéri mais il ne le porte jamais car il est trop habitué à la souplesse des jeans avec un peu d’élasthane … Et j’avoue que je l’ai porté aussi (merdouille, il est à ma taille même si la coupe ne me va pas) et j’ai eu la même sensation.
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J’ai posé le bouton là où c’était confort pour moi, en effet, et la braguette est un peu visible. Dans la mesure où il est plus que rare que je le porte un truc rentré dedans, ça le fera comme ça, jusqu’à ce que je dégonfle un peu 🙂 Et pour l’élasthane et le confort, je comprends, chacun son truc, je n’ai jamais trop aimé les slims de toutes façons, et je préfère, tant qu’à choisir, aller au bout du choix engagé. Pour le confort cocon, j’ai des pantalons à taille élastiquée (évidemment, là, y’a de l’élastique, grumphf) ou des jogg! Tu m’as fait bien rire avec tes essayages de jeans de chéri, ça le fait pas, même repris un peu en forme?
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Je l’ai porté toute une journée en télétravail et j’ai été pas bien dedans toute la journée même si j’ai bien vu qu’il s’était détendu. Trop habituée effectivement soit à des tissus avec élasthane soit sans mais avec une coupe plus ample au niveau des cuisses, même sans taille élastiquée.
Et tant pis, je préfère un jeans avec un peu d’élasthane porté jusqu’à l’usure totale (j’ai d’ailleurs fait un rapiéçage sur le premier cousu pour Chéri) plutôt qu’un jeans 100% coton mais qui ne sera jamais porté.
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Et bin il est bien reussi ce jean…..oui didonc….il te va bien…et sacres details….;)
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Il a ses petits défauts mais j’ai décidé que mieux vaut imparfait mais fait que parfait non fait 🙂 Bises
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Très très intéressant cet article ! Comme d’habitude, ton audace couturière et la beauté du résultat sont très inspirantes ! Bravo pour cette belle pièce : se coudre un jean, la classe !
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Grand merci, m’dame!!! et j’suis pas peu fière 🙂 Bien contente du résultat, même avec ses petits défauts.
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Bravo, il est superbe ce jean, et sans élasthane comme quand nous étions plus jeunes et qu’il fallait « faire » son jean quelques jours pour le rendre plus confortable. j’ y pense moi aussi à me faire un jean, mais je crois que j’en achète un tous les 10 ans, et j’en ai récupéré deux de ma mère, alors, pas indispensable !
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La récup, c’est encore le mieux!!! S’ils sont solides, pas besoin d’un nouveau chaque année… Et merci pour le compliment, en effet, ça me rappelle mon jeune temps 🙂
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Bravo Florence pour ce projet au long court! Très réussi ce jean!
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Merci beaucoup Céline, d’avoir pris le temps de lire et commenter 🙂 J’en suis bien contente en effet!
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Joli défi ! Bravo ! J’admire particulièrement le travail des surpiqûres sur les poches , j’aime bien aussi la doublure des poches de devant. Tu peux être fière de toi 😉
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Hehe merci Danièle, je me suis bien amusée pour ce fameux motif des poches, et la doublure est un petit secret connu de moi seule quand je porte le jeans, c’est amusant!
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C’est un superbe jeans et j’ai appris plein de choses et de nouveaux mots!!!! Ce bouquin me tente bien pour en apprendre un peu plus sur la technique mais j’avoue aussi me complaire dans l’élasthanne (pas bien mais si confortable)!!! Les surpiqûres sont très chouettes en rouge!! Tu as bien raison d’être fière de cette réalisation!!
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Merci merci, le livre propose des modèles slim donc avec extensibilité… Et… je dis pas que l’élasthanne est le diable, seulement je choisis de l’éviter et de modifier mes habitudes. ça ne m’empêche pas d’apprécier les pantalons à taille élastiquée (et donc… avec un élastique!). L’important, est de faire ce qui compte pour soi, et avancer, petit à petit, dans sa réflexion.
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Il te va parfaitement ce jean ! Bravo d’avoir dépassé ta peur de mal faire, peur que l’on retrouve parmi de nombreuses couturières… 😉
Tu vas pouvoir le porter et reporter ce jean avec cette couleur qui va avec tout !
PS : Je suis contente de retrouver tes jolies créations et ta jolie plume sur ce blog !
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merci beaucoup! je le porte sans arrêt, va peut-être falloir que j’en couse en second plus vite que je n’aurais cru pour pouvoir le laver de temps en temps!!! Et… ravie de te ravir avec ma plume, c’est vrai que je publie moins souvent ici, seulement quand j’ai de longues choses à dire, par rapport à IG…
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Bravo, très belle pièce
Bisous
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